Le vintage a la banane
Le vintage est devenu un phénomène de société qui a trouvé sa place dans les brocantes, passionne les chineurs (et surtout les chineuses), se décline en petites boutiques et en manifestations d’envergure. Tout en tissant bien sûr sa grande toile sur l’internet.
Cela ne se limite pas aux vêtements, aux petits meubles et aux objets de décoration. Car le vintage est partout : vieilles bagnoles et rutilantes carrosseries, bons vieux vinyles, juke-box de salon, rétrogaming, mais aussi rééditions, relookage, cover band, ou encore publicités et produits né-rétro. Bref, la nostalgie a de beaux jours devant elle...
Comment décrypter le phénomène ? Par les mauvais temps qui courent, il y a sans doute déjà cette volonté de se replonger dans la « rassurance » des années d’enfance pour les plus anciens, de se réfugier pour les plus jeunes dans une époque pas très lointaine – les décennies d’après-guerre –, que l’on nous présente comme des temps bénis où le ciel était toujours bleu et les pensées remplies d’espoir. Ah !, les fameuses 30 glorieuses, swinging sixties, disco seventies, pop eighties...
On peut bien sûr aussi décoder l’esprit vintage comme une volonté d’enfin vivre autrement, de protéger notre bonne vieille planète trop endolorie, en privilégiant la seconde main, la récupération et autres manières d’être et de consommer qui se la jouent pédale douce. Et on peut encore plaider la juste résurrection de l’imagination et de l’originalité face à conformité, de l’élégance pour contrer le laisser-aller, de la passion pour faire un sort à la platitude, de la singularité et de la personnalité pour en finir avec le troupeau de moutons qui bêlent d’une même voix aux diktats de la mode et de la consommation outrancière.
Bref, voilà que le vintage est partout. Il redonne un nouvel intérêt aux brocantes et aux vide-dressing, s’installe en boutiques, se déroule sur le net, inspire les créateurs et se déploie dans de grandes manifestations, façon événementiel. On se rappelle de Flashback, le grand festival vintage qui s’était déroulé il y a quatre ans sur le site de Brussels Expo. Voici maintenant Retrorama, qui prend ses quartiers à Tour et Taxis. Dans la foulée, nous avons rencontré des acteurs et actrices du vintage qui s’activent à faire vivre de petits projets professionnels où la passion l’emporte sur le profit. Voici Philippe et ses vieux bidons recyclé en mobilier et lettrage, voilà Murielle du P’tit coin de parapluie. Deux parcours parmi beaucoup d’autres, dans cet univers du vintage qui n’en finit pas de se renouveler.
Le vintage, c’est aussi des bidons
Il recycle les vieux barils en fer pour les transformer en mobilier et objets de décoration. On vous explique.
Baptisée Amok Amok, en référence à un terme asiatique qui évoque un (gros) grain de folie, la petite entreprise basée à Ham-sur-Heure a vu le jour il y a un peu plus d’un an. Féru de décoration, mais aussi sensible au vintage façon récup et recyclage, Philippe a fait le pari de travailler une matière originale, à savoir le métal de vieux bidons qui, pour la plupart, ont contenu de l’huile ou de l’essence dans une vie nettement plus classique. Récupérés un peu partout, ces bidons d’une contenance de 200 litres pour la plupart, sont confiés aux bons soins d’un artisan qui va les découper, les remodeler et les souder selon les indications très créatives de leur commanditaire.
Ils se transforment alors en autant de pièces de mobilier originales mais aussi uniques, fauteuils, tables ou sofas, et encore cendriers, miroirs, et barbecues, ou servent aussi de matériau pour du lettrage.
Côté mobilier, on se dit sans doute que s’asseoir sur un tonneau, ce n’est pas ce qu’il y a de plus confortable. Alors, rien de tel qu’un petit test pour vous convaincre du contraire. « Les vieux bidons ont une épaisseur plus importante, explique Philippe, tout en précisant que celle de l’assise est doublée pour plus de solidité. En moyenne, avec trois barils, on peut faire deux fauteuils ». Tout cela est très coloré et forcément décoré de la marque d’origine, Honda, Total, Gulf, Castrol…
Le tout bénéficie d’un traitement protecteur sous la forme d’un vernis incolore qui assure du même coup un nouvel éclat à l’ensemble. Petite précision encore: les soudures, bien apparentes, sont bien sûr soigneusement poncées pour faire un sort aux coupantes arêtes. Et les prix ? Pour une table, comptez 299 euros. Côté sièges, cela peut varier de199 euros pour un fauteuil à 400 pour un sofa.
En version lettrage, les utilisations sont très diverses : numéro de maison, sur pied ou accroché à la façade, enseignes d’entreprises ou de commerces arobases, esperluettes ou lettres décoratives.
Pour se faire connaître, rien de tel que de participer à des foires, événements vintage, brocantes ou encore… marchés de Noël. Avec une prédilection pour la région liégeoise et sa proximité avec les frontières. « Les Néerlandais et les Allemands sont très réceptifs à ce genre de démarche décorative », constate encore Philippe, qui garde notamment un très bon souvenir de l’installation d’Amok Amok dans les paddocks de Spa-Francorchamps lors du dernier Grand Prix de Formule 1.
Infos : facebook : Amok Amok et 0491/590 024
Le beau P’tit coin de parapluie
Vêtements et accessoires : les coups de cœur de Murielle jouent des coudes dans une boutique vintage au charme fou et à l’ambiance complice.
C’est la chanson de Brassens qui a donné son nom à l’enseigne : Un p’tit coin de parapluie. Une fois la porte poussée, on découvre vite un joli petit coin de paradis pour les amoureux, mais surtout les amoureuses, de fringues vintage. Nous sommes rue des Carmes à Namur, dans cette petite artère qui relie le quartier de la gare au bas de ville en alignant fièrement ses façades Art Déco. Depuis quelques années, avec la réouverture du cinéma Caméo et l’arrivée de petites boutiques originales et dynamiques, un nouvel élan commercial ressuscite le quartier.
La patronne du P’tit coin de parapluie, c’est Murielle, un éternel sourire aux lèvres. Originaire de Tournai, historienne de l’art et titulaire d’un master en gestion culturelle, c’est aussi une grande chineuse qui a accumulé objets, meubles et vêtements glanés pour l’essentiel sur des brocantes. L’idée de les rassembler dans une boutique s’est concrétisée il y a 7 ans dans ce petit rez-de-chaussée qui joue la profondeur et se prolonge par une annexe, une fois la cour franchie. C’est dans cette annexe que se rassemblent maintenant les petits trésors chinés.
Car avec le temps et les demandes, le concept a évolué. En fait, ce que les clientes veulent surtout, c’est du vintage neuf, robes, jupes, chaussures, chemises à fleurs, chapeaux, foulards, sacs, gants, porte-monnaie, lunettes de soleil, bijoux et autres accessoires de mode. Compressés sur des cintres, alignés sur des étagères et des présentoirs, étalés sur des plateaux ou accrochés à des porte-manteaux, tous ces vêtements et accessoires jouent des coudes dans un véritable tourbillon de couleurs et de motifs qui traverse pratiquement toutes les époques, des années folles aux pop eighties. « Ce sont des choix très personnels, des coups de cœur, car je ne peux pas vendre quelque chose que je n’aime pas », explique la patronne. « J’ai envie aussi que ces vêtements soient portables au quotidien. Je ne vends pas de déguisements de carnaval ». Voilà qui est dit. Et comme les choix de Murielle se confondent le plus souvent avec ce que ses clientes recherchent, on devine qu’une ambiance amicale, voire complice, crée vite des liens et alimente le bouche à oreille, bien au-delà de la région namuroise. La volonté est aussi de privilégier les marques et les créateurs qui adoptent une démarche éthique. Bref, nous sommes ici aux antipodes de l’atmosphère aseptisée des grandes enseignes commerciales. Et même si l’on n’a pas trouvé chaussure à son pied ou robe à sa silhouette, on se réjouit quand même de la visite. Et l’on se promet d’y retourner très vite.
« Un p’tit coin de parapluie », rue des Carmes, 15 à 5000 Namur. Infos : 081/22 55 03, www.unptitcoindeparapluie.com